Thursday Thunder: illegal overnight


Voilà, ça y est. Ce que de nombreuses associations dénoncent depuis des mois (dont une très connue et très active dont je fais partie, je sais de quoi je parle. Je précise pour les trolls) est effectif depuis aujourd’hui: des milliers d’européens installés tout à fait légalement depuis des années en UK sont devenus des immigrés illégaux d’un coup. Ils n’ont rien fait de mal, mais ils viennent de perdre, du jour au lendemain, leurs droits à travailler, se loger, se faire soigner. Malgré les demandes de tous bords, le gouvernement britannique a refusé de repousser la date butoir: tous les européens qui n’ont pas fait de demande de settle status avant aujourd’hui sont illégaux. D’un coup.

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Vous allez me dire, ils n’avaient qu’à la faire aussi, cette demande. Ce n’est pas si simple. Déjà, elle se fait à l’aide d’une app. Vous croyez que tout le monde a la technologie et les moyens de la comprendre? Les gens âgés, malades, les chômeurs, les précaires, ils font comment? C’est à se demander si le système n’a pas été conçu volontairement pour les exclure. Beaucoup n’étaient aussi tout simplement pas au courant, le gouvernement ayant communiqué avec sa compétence habituelle sur le sujet et les medias se souciant du sort des européens comme de leur première une xenophobe. Et encore plus pensaient naïvement qu’ils n’étaient pas concernés. Ceux par exemple installés en UK depuis des décennies, avant que le pays rejoignent l’UE et qui avaient donc un permis de séjour « permanent » (c’était marqué dessus) depuis cette époque. Pourquoi auraient-ils demandé un permis qu’ils avaient déjà? Et bien, grâce à la rétroactivité des lois promues par les brexiters, ils auraient dû pourtant. Leur ancien permis « permanent » ne l’est plus, et personne ne le leur a expliqué. Il y a aussi ceux qui croient de bonne foi être britannique. Il n’y a pas de carte d’identité obligatoire en UK, on peut très bien passer sa vie sans jamais demander à l’administration aucun papier d’identité (tant qu’on a un certificat de naissance et une preuve d’adresse, ça suffit pour beaucoup de démarches). Seulement voilà, être né en UK y compris d’un parent britannique ne suffit pas toujours pour être considéré comme britannique par une législation en évolution permanente, de plus en plus compliquée et restrictive.

Cela dit, ceux qui savaient qu’ils devaient faire la demande et qui l’ont fait à temps ne sont pas à l’abris non plus. Déjà, pour chaque demande (c’est à dire que ce n’est pas un enregistrement, le settled status peut être refusé) qui passe toute seule, il y en a une qui coince, sans qu’on sache pourquoi, parfois à l’intérieur d’une même famille avec les mêmes pièces justificatives. Là aussi, l’app ne demande pratiquement rien à certains et des tonnes de documents introuvables à d’autres, sans qu’on puisse discerner la moindre logique dans le système. Et quand on a réussi à obtenir ce précieux statut, on n’est toujours pas tiré d’affaire, loin de là. Parce qu’il n’y a aucune preuve qu’on l’a. C’est marqué noir sur blanc sur l’émail de confirmation: il ne prouve rien. Comment fait on alors pour franchir la frontière sans visa, pour prouver à son employeur qu’on a le droit de travailler (et éviter un licenciement sur le champs), pour garder le logement qu’on loue ou son prêt immobilier, pour avoir accès aux soins? Ahaha, c’est très simple, il faut retourner sur l’app, rentrer ses détails y compris celui du passeport qui a servi à faire l’application (et un passeport, je rappelle que ça expire…) et on obtient un code à fournir à son patron, son docteur, le douanier, l’école des enfants. Quand le système ne plante pas bien sûr, ce qui arrive très souvent ou qu’il refuse de reconnaître le numéro qu’il vous a lui même attribué, ce qui est encore plus fréquent. Il faut aussi que la personne en face soit au courant du système, sache se servir du code et en ait l’envie et là, si on se fie à l’avalanche de témoignages, c’est loin d’être gagné. Plutôt que de s’embêter avec un truc aussi compliqué auquel ils ne comprennent rien, les employeurs, les bailleurs et autres envoient balader les européens, et donnent la préférence aux britanniques ou aux autres immigrés qui eux, ont le droit à une preuve physique de leur statut.

Vous croyez que c’est tout? Ahaha, c’est mal connaître les brexiters, je ne vous ai pas parlé des femmes mariées, dont le statut a été émis sous leur nom de jeune fille alors qu’on le leur demande sous leur nom d’épouse ou l’inverse, de ceux qui ont reçu le mauvais statut ( pre settled au lieu de settled), de ceux dont le passeport expire, de ceux qui ont fait la demande à temps, parfois des semaines à l’avance, mais n’ont pas encore reçu de réponse, de ceux dont le nom, le lieu de naissance, ou l’âge a mal été enregistré par le système (et ça arrive plus souvent qu’on ne pourrait croire)…ça en fait des européens qui étaient installés légalement et qui pourtant depuis ce matin se retrouvent à la merci d’un gouvernement qui a prévenu qu’il les expulsera à la première occasion. Voilà. Il y a encore des gens qui vont oser nous demander pourquoi on est parti avant qu’on nous foute dehors?

Welcome to Brexitland

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9 commentaires pour Thursday Thunder: illegal overnight

  1. nannie06 dit :

    Mon fils a quitté Londres l’année dernière après y être resté 6 ans et j’en suis bien contente ! Ce foutoir me donne la nausée.

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  2. carrie4myself dit :

    Sacree douche froide, qui glace le sang 😦
    Et Maricheri va rester travailler en GB?…..

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  3. On aimerait en fait que ce soit seulement un genre d’hallucination collective, de mauvais scénario de film, ou quoi que ce soit d’autre qui ne serait pas vraiment réel…. 😦

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  4. doublerose dit :

    C’est fou tout ça
    et encore plus fou le fait que les médias français expliquaient encore il y a peu que « tout se passait bien finalement avec le Brexit et que les européens sont finalement peut nombreux à être partis »

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    • pomdepin dit :

      Les médias français ont une fâcheuse tendance à reprendre le pire de leurs collègues anglais, sans vérifier. Or a part quelques exceptions de plus en plus rares dont the Guardian, les médias britanniques appartiennent à une poignée de propriétaires (Murdoch entre autres) qui ont financé le brexit et y gagnent beaucoup. C’est dire leur impartialité…

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