Ces derniers jours, les excitées de la carabine et de l’alcoolémie réunies font encore parler d’eux. Je suis tellement énervée après ces dégénérés que je préfère reprendre une ancienne colère à leur sujet, sinon je risque d’être grossière. C’était il y a deux ans, mais on est encore tombé sur des tirs dans tous les sens en osant aller chez quelqu’un qui vit à l’autre bout du village, en lisière de bois (enfin, il y a un grand champ entre les deux quand même), c’est sa faute aussi, d’avoir construit là. Grrr.

Dimanche dernier, on est allé se balader, on a pris des petites routes de campagne bucoliques, au milieu des champs. Et des chasseurs. C’est à dire qu’on a croisé des rangées de types en veste fluo, armes sous le bras, arpentant en ligne serrée des champs labourés où les malheureux faisans domestiques et affectueux qu’ils venaient de lâcher juste pour les flinguer, n’avaient même pas une touffe d’herbe pour se cacher. J’hésite entre la colère et l’envie de vomir.
Attention, je viens des Landes. J’ai déjà tout entendu sur le maintien des traditions ancestrales, la culture rurale et autres excuses bidon comme l’amour de la nature. Et je n’y crois pas une seconde. Le maintien des traditions ancestrales? Mais oui bien sûr, sinon, au moyen âge, on écartelait les gens, ça c’est de la tradition ancestrale, on devrait faire pareil non? A commencer par les braconniers, vu que c’est à peu près comme ça qu’on les traitait, je suis sûre que ça fera chaud au cœur de tous ces valeurs chasseurs, de renouer avec cette charmante coutume. Non mais je n’y comprends rien, je ne suis qu’une citadine bouchée, la chasse, c’est toute la ruralité…alors donc, je répète, je viens des Landes, dans le style rural, on fait difficilement mieux et je vis au bord d’un village, par choix. Arrêtez de faire croire que les ruraux sont des êtres frustres et assoiffés de sang qui ne se définissent que par le plaisir d’aller trucider vicieusement d’innocents animaux. C’est insultant pour tous les ruraux!
D’autres vont dire que c’est un sport. Ah. Parce que bringuebaler dans un champ, accroché à son fusil et clairement alcoolisé pour aller tirer, à 25, sur une pauvre bête affolée, c’est sportif? Le tir sportif, ça existe, en salle et ça demande une concentration et une adresse inversement proportionnelle à votre taux d’alcoolémie. La randonnée, c’est aussi une activité qu’on peut qualifier de sportive, mais ça se fait plus avec un bâton pour marcher qu’une cage sous le bras avec un pauvre animal qu’on dépose au milieu du chemin pour le cribler de plombs. Et ça ne consiste pas à se transformer en dangers publics qui tirent sur tout ce qui bouge, y compris des vrais randonneurs. Je ne parlerai même pas du côté « amoureux de la nature », tellement ça me fait hurler de rire. Rire jaune, certes mais bon…Comme dirait Marichéri, effectivement, il y a un temps certain, la chasse servait à se nourrir. Mais aujourd’hui, ça sert à quoi? La régulation des espèces? En allant tuant un animal qu’on a élevé pour ça, sérieusement?
Ces cohortes de types à la démarche plus qu’hésitante, arpentant leur champs derrière un pauvre faisan même pas apeuré tellement il était habitué à la présence humaine, c’était sinistre. Et bien sûr, certains avaient amené leur gamin, c’est un endroit sûr et où il n’y a jamais d’accident, la chasse pas vrai? Ça m’a achevé, comment peut-on mettre en danger ses enfants comme ça? Et le prochain faisan que je croise, je l’adopte et je le ramène à la maison.