Expatriée puis confinée, comment j’ai renoué avec les miens


…Ou comment le confinement, juste après un retour d’expatriation de 21 ans, m’est monté à la tête.

Notre départ du royaume uni a été douloureux, je regrette toujours notre Angleterre (celle d’avant le brexit). Je sais qu’il est très difficile de comprendre ce que le brexit représente pour beaucoup d’européens, le choc émotionnel et psychologique que cela a été. Le stress, l’anxiété, la dépression et la xénophobie subie par nos enfants. C’est épuisant, rongeant, glaçant…partir était la meilleure solution. Mais on ne recommence pas une vie ailleurs comme ça, sur un claquement de doigt, même si c’est dans son pays d’origine. Il a fallu liquider matériellement et émotionnellement notre vie en Angleterre et affronter les joies du retour. C’est d’autant plus compliqué qu’on n’a jamais eu de vraie vie adulte en France. On est parti juste après nos études, avec plein de projets mais pratiquement qu’un sac à dos et je guitare (pour Maricheri). On rentre avec deux camions de déménagement et 5 enfants, ça change. La réadaptation n’est pas facile.

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J’étais donc déjà plutôt paumée quand le confinement est arrivé, et ça n’a pas aidé. Comme beaucoup, j’ai eu ce besoin primaire de me recentrer sur ma famille et mes racines…sauf que je me suis rendue compte qu’après 21 ans loin d’eux, ça n’était pas évident non plus. Quand on est parti, il n’y avait pas encore Skype. C’était beaucoup plus difficile de garder un contact régulier avec la famille en France. Le coup de téléphone hebdomadaire (depuis une cabine!) nous coûtait un bras . Tous les grands moments qui ont marqué notre vie d’adultes ont aussi été décidés et souvent réalisés loin de nos familles françaises. Tout comme on a appris avec un temps de retard les grossesses, les fiançailles, les bonheurs et les malheurs de nos proches….quand on les apprenait! On a manqué les anniversaires, les mariages, les décès aussi. Et c’est réciproque. Ce fossé qui s’est creusé avec les années ne se rebouche pas comme ça, juste parce qu’on est soudain confiné et en manque de repères. Tous ces gens, ma famille, je les vois comme quand je suis partie, il y a plus de 20 ans, alors que beaucoup de choses ont changé dans leurs vies et dans la mienne. Du coup, j’ai du mal à les reconnaître. C’est la même chose de leur côté, ils ne savent pas trop qui est cette femme en face d’eux, avec sa ribambelle d’enfants et ses manies anglo-saxonnes qui n’a plus rien à voir avec l’ado dont ils se souviennent. On ne sait plus comment se parler.

Alors quand ma Maman m’a envoyé les souvenirs de mon Papi pendant le confinement, ça a été une inspiration. Enfin, un moyen de me replonger dans mes racines, de reconnecter avec d’où je viens, juste quand je ne sais pas où va le monde! J’ai fait des recherches sur Bordeaux du temps de l’enfance de mon grand père. De fil en aiguille, j’ai eu l’idée d’écrire une petite histoire, pas celle de mon grand-père, mais une qui lui ressemble et qu’il aurait pu raconter. Mon papi comptait énormément pour moi, c’est la figure marquante de mon enfance, celui qui me relie à toute ma famille « de France ». J’ai écrit en pensant à lui, constamment, j’aimerais me dire que ça lui aurait plu même si j’insiste, ce n’est pas son histoire mais celle d’un petit garçon bordelais légèrement rêveur et à l’humour involontaire, pendant l’entre deux guerres. C’est ma façon de lui rendre hommage et de transmettre cette part de mon identité (et donc de la leur) à mes enfants.

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3 commentaires pour Expatriée puis confinée, comment j’ai renoué avec les miens

  1. Je sens beaucoup d ‘émotion dans ce récit et tellement de choses vraies. Il arrive aussi qu’il ne faille pas plus de vingt ans d’absence pour que ce soit difficile de renouer avec sa famille devenue étrangère…

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  2. carrie4myself dit :

    Idem; je suis partie en GB alors qu’internet n’existait pas. Je suis rentree en France alors que je ne le voulais pas. J’ai loupe anniversaires, mariages, repas de famille etc. Mais…. meme jeune j’en loupais car nous étions en région parisienne et la famille pres de Lyon. De retour en France, ce fut pareil en un peu « plus pire » car cette fois on etait dans le meme coin pour ne pas dire le meme village, et la famille continuait de m’ignorer. J’ai perdu mes amies en quittant la France, la Belgique et Gb.
    Dire que je suis paumee est un « petit mot ».
    Les réseaux sociaux me permettent de garder un lien, car le courrier… c’était barbant! LOL et n’ayant pas fonde de famille, pas de mari, enfants, j’ai arrêté de me justifier dans mes actes différents de ce qu’eux avaient/ont l’habitude de faire, agir.
    Le confinement n’a rien amélioré….
    Je reste un peu plus asociale, avec mes souvenirs.
    En tout cas bravo pour tout ce que tu fais et l’écriture de ce livre!!!!

    Aimé par 1 personne

  3. Joëlle dit :

    Ah, les appels téléphoniques du siècle dernier à partir d’une cabine téléphonique anglaise qu’il fallait alimenter en pièces au fur et à mesure… Je n’oublierai jamais les « ¡No cuelgues! » de ma copine espagnole à ses parents chaque fois que l’horrible machine se mettait à sonner l’alarme — as-tu connu ça? Et les appels trop rares des Etats-Unis aux miens à cause du coût exorbitant, ce qui d’ailleurs toujours le cas, mais comme tu le dis, entre Skype, FaceTime, WhatsApp et Signal on n’a que l’embarras du choix aujourd’hui. Ce qui n’empêche pas qu’on reste à l’étranger et qu’effectivement on n’est plus là pour les événements de la vie, les joyeux et les tristes. C’est bien d’avoir fait en quelque sorte revivre ton grand-père pour tes enfants. Ils apprécieront.

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