Thursday thunder: brexit pantomime


Bon, je vais essayer d’être claire, mais c’est pas gagné. Honnêtement, j’ai hésité à faire ce billet, tellement je suis sans voix devant la situation au Royaume-Uni. Pourtant, on devrait avoir l’habitude, depuis trois ans et demi. A chaque fois qu’on pense que ça ne peut pas devenir plus compliqué, ça ne rate jamais: ça le devient. A croire que les politiciens britanniques adorent le chaos, ils ne loupent jamais une occasion d’en rajouter une couche.

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Alors, Johnson a arraché de haute lutte, selon ses dires, un nouvel accord à Bruxelles, qui est en fait pire pour la Grande Bretagne que le précédent (du coup, on comprend pourquoi Bruxelles a accepté!) et qui globalement ne résoudra rien. En gros, on est juste d’accord pour dire qu’on n’est d’accord sur pratiquement rien et qu’on va encore passer un an à essayer de se mettre d’accord, faute de de quoi il y aura pas d’accord. C’est clair, c’est un progrès considérable. Ou pas. Mais Johnson en était très content, avec ça, pas de soucis, il a son brexit pour Halloween. C’est là que le parlement a décidé de jouer aussi, en votant pour son accord en première lecture, mais contre l’echancier législatif qui devait permettre à Johnson de le mettre en place avant le 31. Je rappelle que ce même parlement est contre un no deal mais a aussi voté par trois fois contre un deal, contre un second référendum tout en étant contre un brexit le 31, contre l’abandon du brexit et contre la tenue du brexit. Ah. C’est d’une limpidité remarquable. Je vous passe les guerres intestines à l’intérieur de chaque parti qui fait qu’ils veulent aussi tout et son contraire en interne. Personne ne veut être responsable de la catastrophe annoncée que sera le brexit, mais personne n’a le courage de l’annuler non plus. La seule chose qu’ils ont réussi à faire, c’est obligé Johnson a demandé un nouveau délai à Bruxelles. Pourquoi faire? Ben, pour continuer à ne rien faire bien sûr! On ne va quand même pas prendre ses responsabilités et demander un deuxième référendum alors qu’on peut continuer à perdre du temps. C’est là qu’on voit les limites de l’adjectif ubuesque, qui ne suffit pas à décrire la situation.

La chose a été fêtée comme une grande victoire par les députés remainers, alors que même si Bruxelles accepte (ce qui n’est pas fait à l’heure où j’écris, mais les remainers n’ont rien à envier aux brexiters quand il s’agit d’oublier qu’ils ne sont pas le centre du monde et que ce n’est pas à eux de décider), ils n’auraient fait que gagner un sursit de trois mois en exaspérant un électorat à bout de patience, et donc en renforçant la popularité de Johnson, qui n’a jamais été aussi haut dans les sondages. En sachant qu’il essaie de les contraindre à des élections anticipées, on peut pratiquement dire que les gesticulations des parlementaires jouent en sa faveur. Il était quand même vexé de devoir demander un nouveau délai à Bruxelles, il a donc envoyé, non pas une lettre, mais une photocopie de l’extrait de loi l’obligeant à faire cette demande, qu’il n’a pas signée. On nage en plein délire. Ça, c’est de la diplomatie de haut vol. C’est le premier qui dit qu’y est, nananereuh et tout ça. Il a accompagné la chose d’un autre courrier, signé celui là, pour demander à Bruxelles de ne pas accepter sa demande. C’est de mieux en mieux. Il a réitéré, après les deux votes évoqués plus haut. Sérieusement, je serais Bruxelles, j’exigerais un bilan psychiatrique de l’ensemble de la classe politique Britannique avant de parler à qui que ce soit.

Et pendant ce temps, en catimini, sans que personne ne s’en aperçoive, à par les intéressés, une commission parlementaire sort une proposition de loi qui autorisera le gouvernement à priver les européens (et uniquement eux) du droit à la libre entreprise, du droit d’être à leur compte, de posséder une entreprise, de proposer des services…en gros, si ça passe, ça veut dire que les européens, et j’insiste uniquement eux, n’auront pas le droit à certaines professions, pourront être spoliés de certains biens en raison de leurs origines…c’est bizarre, ça me rappelle quelque chose, pas vous? Et tout le monde s’en fout, bien sûr. Pourquoi les parlementaires se préoccuperaient du sort de plus de trois millions de personnes quand on peut continuer à se disputer comme des chiffonniers sur la date du brexit, sans se préoccuper de ce qu’il aura pour conséquences réelles pour tout le pays? Alors, le statut des européens en UK, qui ne peuvent même pas voter aux législatives, vous pensez si on s’en fout! Welcome to Brexitland.

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2 commentaires pour Thursday thunder: brexit pantomime

  1. Cecile Puertas dit :

    Vous avez raison : c’est au-delà du ubuesque…
    Cela pourrait être drôle si cela n’était pas si tragique…
    Mais de fait le Brexit est en passe d’aboutir dans des conditions négatives pour tout le monde. Ci-joint une chronique France Inter à ce sujet
    https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-de-jean-marc-four/la-chronique-de-jean-marc-four-15-octobre-2019

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