Thursday Thunder: racisme ordinaire


Emoi à l’école la semaine dernière: une voiture a forcé le passage et fracassé la chaîne qui barre la rue au moment de la sortie des classes. Le chauffeur a ignoré la signalisation, l’agent de circulation et donc aussi la chaîne qui indiquent bien qu’à 16h30, c’est l’heure des enfants et qu’on ne passe pas. Il n’a pas été loin, n’a fait aucun dégât ni blessé à part la chaîne et a été verbalisé aussitôt, mais forcément, l’incident était au centre de toutes les conversations le lendemain. Chacun racontait ce qu’il avait vu, ce qu’il en pensait et bien sûr, ce qu’il faudrait faire, ma bonne dame pour éviter qu’un autre chauffard fonce dans la nouvelle chaîne. Et là, un papa a eu cette phrase, pour décrire le conducteur incivil de la veille :  » je ne suis pas raciste mais il était noir ». Ah. Un instant, je vais hurler au fond du jardin et je reviens.

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Déjà, je ne vois pas l’intérêt de la précision: en quoi c’est pertinent? en quoi le taux de mélanine influe sur la façon de conduire? Ça apporte quoi au débat? Et c’est pas comme si il avait fallu décrire le contrevenant pour le retrouver, la police municipale était sur place (comme tous les jours) et l’a donc verbalisé directement. Pas la peine de faire un portrait-robot. Attention, si ce papa avait juste dit « il était noir », j’aurais trouvé ça bizarre comme précision, mais pourquoi pas. C’est juste descriptif. Comme de dire, il était grand, petit, chauve…quand on disait de moi en Angleterre que j’étais étrangère, ce n’était pas forcément xenophobe. Enfin, sûrement…disons qu’on peut laisser le bénéfice du doute. Ça dépend du contexte, mais à la base, dire de quelqu’un qui est noir, qu’il l’est, ça dénote juste qu’on n’est pas daltonien, comme les anglais qui me décrivaient comme française montraient simplement qu’ils avaient reconnu mon accent, pas forcément qu’ils étaient brexiters. Je ne vois pas l’intérêt de le faire remarquer, dans un cas comme dans l’autre, mais bon…Mais en commençant par  » je ne suis pas raciste mais », ce papa ne laisse aucune place au doute. Ben si, mon vieux, tu es raciste et tu le sais. Tu es aussi un pauvre con, c’est lié, mais ça je pense que tu n’en as pas conscience.

C’est quoi cette fausse pudeur, ce voile d’excuses derrière lequel tu tentes de cacher ton racisme pourtant clamé haut et fort juste après? Tu t’imagines qu’on va t’excuser, que ton sectarisme passera mieux simplement parce que tu l’as nié alors même qu’il éclate au grand jour? Mais si tu n’es pas raciste, dire que ce monsieur était noir ne te poserait pas de problème! Là, par contre, avec tes précautions oratoires poussives, on comprend de suite pourquoi tu tiens absolument à préciser la couleur de peau du chauffeur. Non seulement tu es raciste, mais en plus tu prends tes interlocuteurs pour des demeurés. Ou des gens comme toi. Parce que ton petit sourire reflétait plus de la complicité qu’autre chose… tu sais que tu es raciste, tu sais que tes interlocuteurs le savent, mais tu es persuadé qu’en affirmant le contraire contre toute évidence, tu crées une connivence avec ton auditoire, qui ne peut plus te contredire. Tu assumes que les autres parents sont de ton côté, mais empêchés comme toi de le dire sans prendre de précautions oratoires pour court circuiter ce que tu prends pour une censure tyrannique et dont tu penses te moquer subtilement avec ton « je ne suis pas raciste mais ». Tu es raciste, mais aussi hypocrite et bien moins futé que tu le crois.

Tu vois, quand j’entends des gens comme toi, j’ai envie de leur crier: « je ne suis pas violente, mais vous méritez des baffes dans la gueule ». Ben quoi, qu’est-ce que j’ai dit? J’ai mis « je ne suis pas violente mais » avant, ça me dédouane bien de toutes les menaces de coups que je peux proférer ensuite à ton égard, non? C’est bien comme ça que ça marche pour toi? Mais ne t’inquiète pas, je n’en ferai rien. Je ne sais pas où tu traines, je ne voudrais pas attraper tes microbes.

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6 commentaires pour Thursday Thunder: racisme ordinaire

  1. carrie4myself dit :

    Vive les petites villes/villages…. ou les gens de couleur ne sont toujours pas les bienvenus. C’est la France profonde on pourrait dire.

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  2. V1000 dit :

    Je vous suis quotidiennement et cet article me conforte à venir savourer votre blog tous les jours.
    MERCI !

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  3. Cecile Puertas dit :

    C’est comme les petites phrases de mon ex belle-mère (paix à son âme) : « je ne dis pas que tous les juifs sont cupides mais pourquoi ont ils toujours de très bonnes situations et de gros patrimoines ? » A quoi je lui répondis : « je ne dis pas que tous les Allemands sont des nazis mais pourquoi sont-ils les premiers à pratiquer la délation ? » Ça a fait son petit effet …

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  4. lanabc dit :

    Je suis partagée par cette phrase parce que ça m’arrive de le dire…. Très très rarement mais ça m’est arrivé. Depuis hier, je me pose la question du pourquoi… peut être pour qu’il n’y ai pas de malentendu parce que dans mon cas ou pour que l’interlocuteur ne continue pas dans cette voie. Je ne suis vraiment pas raciste. Je trouve que tu as raison, dans ce cas pas besoin de préciser la couleur de peau du « coupable »

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  5. Nanou dit :

    Je l’ai entendue des dizaines de fois cette phrase, ou pire « surtout ne le prends pas mal, mais comme ton mari est un homme de couleur … » je réponds toujours « ben déjà il n’est pas de couleur il est noir c’est pas un gros mot on peut le dire ! Et puis ce qui m’aurait blessée c’est que tu aies découvert qq chose avant moi mais là je l’avais bien vu et depuis fort longtemps » j’ai eu droit aussi devant mes enfants au « vous les avez adoptés où, ils viennent d’où … «  tout en finesse

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  6. Ça me fait penser à une pote “je ne suis pas homophobe! D’ailleurs, j’ai des amis homo” 🤨

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