Les vieilles dames


J’ai une tendresse particulière pour les très vieilles dames. En tout cas, je les attire. Les plus anciens se souviennent peut être de Dorothy, cette vieille dame anglaise presque centenaire que je croisais plusieurs par semaine en rentrant de déposer Wizzboy à l’école. Elle attendait son bus, et peu à peu, on avait plus ou moins sympathisé. Elle adorait Wizzboy qui lui rappelait son arrière petit fils. Personne ne s’arrêtait pour lui parler alors qu’elle avait une vie extraordinaire à raconter (pour ceux que ça intéresse, j’en ai parlé ici). J’ai croisé plusieurs vieilles dames dans le village ici, je leur dis toujours bonjour. Certaines me reconnaissent maintenant et me répondent avec de vrais sourires, d’autres sont encore étonnées: elle sort d’où celle-là, elle n’est pas d’ici.

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Ce matin, j’ai eu droit à un échange captivant sur le soleil qui va se lever dans l’après midi (et il l’a fait!) à la boulangerie avec une très vieille cliente qui me reconnaît et en a l’air très contente. Mais c’est tout. J’ai plongé dans des abîmes de perplexités deux mamies à l’allure centenaire qui discutaient devant le buraliste. Elles m’ont déjà vu, c’est sûr, mais elles n’arrivent pas à me situer. Alors que j’étais toute émue de leur tablier. Elles sortent tous les jours faire leurs courses, avec leur panier en osier, et elles portent ces espèces de blouses par dessus leur robe…j’ai l’impression de croiser ma grand mère! Il y a aussi cette toute petite dame, encore plus décrépite, qui observe la rue depuis un carreau qui s’ouvre dans sa porte d’entrée, en essayant de ne pas se faire repérer. Quelque soit la météo, elle est fidèle au poste, tous les matins. Je la croise quand je rentre de l’école. Au début, elle essayait de se cacher derrière le rideau quand je lui faisais coucou, mais maintenant, elle me fit un signe de la tête en souriant. Si ça l’amuse de regarder passer la vie comme ça, par son petit carreau, ça ne me dérange pas!

Il y a aussi les vieux messieurs, ceux des charitables que Wizzboy a pris pour des pirates avec leur grande cape noire et leur bicorne et qui continuent à perpétuer une tradition médiévale en assurant les cérémonies d’enterrement des pauvres. Il y a le vieux monsieur des anciens combattants. Au début, je me méfiais un peu, je suis profondément antimilitariste. Mais il est charmant, octogénaire plus proche des 90 que des 80 ans et médecin à la retraite mais chut, il ne faut pas le dire, il soigne toujours ses patients. D’ailleurs, si on n’a besoin, il ne faut pas hésiter…mais attention hein, c’est un secret. Il se fait payer en poulets et en sourires. Il y a cet ancien mineur qui ne s’est pas remis de savoir qu’on habitait dans la maison du docteur qui l’a sauvé enfant. Il y a aussi ce couple adorable de passionnés d’histoire. Ils approchent tout deux du centenaire, c’est un objectif, ils en parlent comme de grands sportifs qui visent une médaille olympique. Ils ont d’ailleurs une forme olympique. La boulangère m’a raconté que le village vient tout juste de connaître sa première centenaire, et que ça a suscité des vocations. Il y a une bonne vingtaine d’habitants qui s’en approchent d’après elle.

Je ne sais pas pourquoi j’éprouve une sympathie particulière pour tous ces gens. J’ai l’impression qu’il suffirait de les faire parler un peu pour qu’ils aient des choses captivantes à raconter. On ne traverse pas presque un siècle de vie sans avoir quelque chose à dire.

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6 commentaires pour Les vieilles dames

  1. Il y a tellement d’humanité dans ton billet ❤

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  2. Cecile Puertas dit :

    Oh oui nos anciens ont tellement à nous raconter … et a propos de Dorothy (votre billet sur cette dame anglaise m’avait bcp touchée) avez-vous gardé contact ?

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  3. carrie4myself dit :

    Je regrette de ne pas avoir tout note ce que mes oncles, tantes racontaient de leur jeunesse…
    Ils ont tant connu et ont beaucoup de force, courage et volonte de vivre!

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  4. Certains de mes « étudiants » ont dans ces âges-là… ils ont vécu des choses incroyables, les cours sont toujours intéressants et grâce à eux ma géographie s’est améliorée et mon vocabulaire technique aussi (ils ne travaillaient pas sur ordi, à leur époque!)

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