Back in brexitland


Les vacances sont finies, on est péniblement rentré hier, avec deux heures et demi de retard au final. On a récupéré Capucine, qui nous fait la tête comme d’habitude, et Penny qui nous fait de gros câlins. Et on a froid. On se gèle. WizzBoy a réclamé un gros pull, PrincesseChipie a sorti les collants en laine…on a perdu 30 degrés et la pluie diluvienne ne s’est pas arrêté depuis qu’on est là. En plus, on devait repartir aussitôt pour quelques jours en France, mais ça a été annulé…bref, c’est pas la joie. PrincesseChipie pleurait hier matin parce qu’elle ne voulait pas rentrer, et je n’étais pas loin de faire pareil. Sauf que je n’ai pas exactement l’impression de rentrer. Je suis revenue en brexitland, je ne suis pas rentrée chez moi. Ça fait bizarre. 


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Il m’a fallu deux ou trois aller-retour entre l’Irlande et la France, il y a plus de 20 ans pour me rendre compte tout à coup, en survolant la baie de Dublin (c’est très joli) que j’étais ravie de rentrer « chez moi » après les vacances. Ça m’a fait un choc. Comme ça, sans prévenir, l’Irlande était devenue chez moi et j’allais en visite en France. Ça n’a l’air que d’un détail sémantique mais c’est un changement total d’état d’esprit. Ça n’est pas automatique d’ailleurs, ce n’est pas le cas pour tous les expats. J’en connais qui rentrent en France pour les vacances. Alors que pendant 20 ans, j’allais en vacances en France. Encore une fois la nuance peut paraître subtile mais elle est énorme. Chez moi, c’était l’Irlande, puis l’Angleterre. C’est allé très vite ici, il m’a suffit de quelques mois pour me sentir chez moi. C’est fini. Je le savais bien sûr, mais hier en atterrissant, je l’ai ressenti presque physiquement. Je vis ici mais je ne suis plus chez moi. C’est terriblement déprimant.  

J’adore partir mais j’aime bien revenir aussi,  retrouver la maison…pas cette fois. Le poids des angoisses que j’avais laissé à l’aéroport au départ m’attendait sagement et il est revenu me nouer l’estomac. Pendant une semaine,  je me suis à nouveau sentie légère (c’est une image, ça ne m’a pas empêché de me vautrer sur les pavés). Ça fait un bien fou de laisser le stress, de respirer normalement. De revivre normalement en fait.  Mais le brexit ne s’est pas arrêté. Au contraire. Les News anti européens sont toujours là. Voilà maintenant que sur un formulaire d’hôpital où on doit cocher son ethnicité (c’est normal ici) Eu citizen a été remplacé par Eu economic migrant, avec toutes les connotations négatives que cela implique depuis le référendum. C’est formidable. Pour le NHS, le système de santé auquel on cotise et où beaucoup d’entre nous travaillent, on est donc forcément ici pour piquer le boulot d’un anglais  et ses allocations chômage en même temps (on est fourbe comme ça). Il n’y a pas d’autre case pour les européens sur ce merveilleux formulaire et on est bien sûr les seuls immmigrés à être stigmatiser comme ça. On ne peut pas être ici parce qu’on a un conjoint britannique ou parce qu’on voulait découvrir l’Angleterre… C’est juste un exemple parmi beaucoup d’autres discriminations qui nous tombent dessus, une par une, jour après jour, sans discontinuer. Un goutte à goutte méthodique pour bien nous faire comprendre qu’on est plus les bienvenus. Ça marche donc très bien puisque je ne sens plus du tout chez moi. 

Hier soir, les enfants étaient contents de rentrer à la maison, eux…enfin, ils étaient surtout crevés. Ce matin, grande discussion entre GeekAdo, PrincesseDiva et PrincesseChipie, la météo est nulle ici, et la nourriture aussi. S’en est suivi un débat passionné pour savoir qu’elle était la meilleure spécialité italienne des pizzas aux gnocchi en passant par les glaces. PrincesseChipie a rigolé, la spécialité de l’Angleterre, c’est la pluie. Réponse de sa sœur : non, c’est le racisme. J’aurais bien voulu qu’on rentre chez nous, en Angleterre, l’Angleterre d’avant. Mais on a dû revenir en Brexitland et ça me déprime au plus haut point.  

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28 commentaires pour Back in brexitland

  1. The Postman dit :

    Tiens, je suis dans le même cas que toi pour « rentrer chez soi » et « aller en vacances »… bien que, parfois, aller en vacances dans son pays natal, je ne trouve pas ça motivant…

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  2. Joëlle dit :

    Je ne sais pas si tu suis les JT français, mais nous hier soir on a eu droit à un reportage sur les nombreux anglais qui vivent en France et demandent maintenant d’être naturalisés français…

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    • pomdepin dit :

      On en a parle ici aussi, il y a même eu un article sur BBC. Sans parler de tous ceux qui essaient d’avoir un passeport irlandais. Quand L’Ado a du renouveler le sien ça a pris trois fois plus de temps que d’habitude, l’ambassade d Irlande est débordée!

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  3. anne35blog dit :

    courage, pense à tes prochaines vacances, même si elles sont lointaines…Je n’aime pas trop les anglais, comme tu sais mais mon arrière grand-mère était irlandaise, et j’aimerai bien faire un tour là-bas….

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  4. dhelicat57 dit :

    Je suis si triste pour toi… gros bisous

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  5. flo13 dit :

    Bonsoir, ça doit être difficile de rentrer dans un pays où la discrimination envers les étrangers est un sport national. J’ai compris que vous aviez apprécié votre séjour à Rome et donc je voulais savoir si Marichéri pouvait demander sa mutation là-bas? Et autre question regardez-vous les championnats du monde d’athlétisme qui sont à Londres?

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    • pomdepin dit :

      Il ne parle pas italien, moi non plus…sinon on serait bien resté! Et oui, on regarde. J’ai même failli prendre des billets, mais on n’avait pas encore nos dates de vacances et j’avais peur que ça clashe. Le stade olympique est au nord est de Londres, dans l’Essex!

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  6. carrie4myself dit :

    Ouch pas de retour en France?
    J’ai pleure mille fois en quittant non pas la France mais mes parents et tout ce qui entourait ces moments avec eux; certes c’était pour des occasions spéciales mais me retrouver seule fut dur (avant internet etc. je parle). Puis ca a été mieux mais si tu savais comme je te comprends.
    en Juillet a cause de cette météo pourrie j’ai déprime comme pas possible; 3 jours de gis, qu’est ce que c’est?! Tellement connu pire et pourtant cette fois ci ce n’est pas pas, j’ai pet eux cable.
    I cannot say more than I’m here, behind you and if needed, my parents’ second house is waiting for you all 😉
    xoxo

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  7. Que dire à part : bisous ? ❤ ❤ ❤

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  8. Merci Pon, ça me manque aussi de me sentir chez moi x

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  9. Sandra dit :

    Comme toi j’allais en vacance en France …là j’y suis pour de bon mais malgré le Brexit Londres me manque ma rue, mes amies, l’école des garçons, mes parcs, leurs pitch football, le groupe de hip hop….presque 20 jours loin de ma vie et je suis toujours déprimée!

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    • pomdepin dit :

      Ça m’a fait mal de revenir…et ça aussi, ça me déprime. J’aimerais être contente de rentrer chez moi, et ça n’est plus possible. Ça doit être dur dans l’autre sens aussi, courage! Xxx

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  10. Helen De Cruz dit :

    Merci beaucoup pour votre témoignage, qui m’a touché. Je ne me sense plus chez moi non plus. Mais le Brexitland était là, avant le EU Referendum. Le Daily Mail, Le Daily Express, tous ces journaux etaient là, pour accuser nous de tous les défets de l’Angleterre (NHS, housing…).
    Je ne l’avais pas aperçu. J’étais naive. I should’ve known better (pas sure qu’on a un équivalent en français, pas ma langue maternelle).
    Ici j’ai écrit une petite pièce sur le concept de « home » et ce que ça signifie pour le Brexit https://politicsmeanspolitics.com/where-is-home-a-philosophical-reflection-on-home-immigration-and-brexit-994f49c96cd5

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    • pomdepin dit :

      Merci Helen. I think a lot of us were naive, we were so in love with this country, we did not want to see its ugly side. I knew it was there, but I used to dismiss it as anecdotic. I thought it was just an offensive but unimportant minority (and i live in Essex!), that the true England had nothing to do with them. Now, the sense of betrayal is even worse than the uncertainty.

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  11. gine1 dit :

    Je te comprends tout a fait. J’etais amoureuse de l’Angleterre depuis ma petite enfance. J’avais trouve un livre sur le couronnement de la reine dans le grenier des grands parents et j’avais trouve ca feerique. La langue anglaise est devenue ma passion et ensuite je suis venue pour un an, comme fille au pair et maintenant ca fait 30 ans que j’y vis et plus de 20 ans que je suis mariee a un Anglais. J’adorais tout; meme les choses qui m’irritaient, comme on le fait quand on aime sans conditions. Mais maintenant, j’ai l’impression que j’ai ete trompee. Je ne reconnais plus ce pays qui etait le mien, ou je me sens maintenant comme une etrangere. Ma belle soeur ce weekend me disait que peut etre un passeport anglais me ferait sentir plus chez moi? La pauvre, elle n’a rien compris… Je suis de tout coeur avec toi et je suis triste pour nous… Pour l’instant, on ne sait toujours pas ce qui va se passer, il faut attendre. Mais j’ai mal au coeur avec toi.

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    • pomdepin dit :

      C’est tout à fait ça, on a été trompé, trahi et ça fait très mal. On a tellement aimé ce pays qui nous rejette aujourd’hui. Même si le brexit était annulé demain, ça ne nous rendrait pas notre Angleterre. Je voulais demander un passeport anglais (maintenant, je ne peux plus. Je n’aurais pas le PR), et malgré les incertitudes sur notre avenir aujourd’hui, je suis soulagée de ne pas l’avoir fait.

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  12. agdel dit :

    Oh, j’espère qu’il te reste quand même un peu du bénéficie de ces merveilleuses vacances… et n’aie aucun regret pour la France : il pleut et il fait froid et ça va durer quelques jours encore.
    Sinon, les royals vont encore te donner des sujet d’écriture : j’ai entendu que Philou prenait sa retraite !

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  13. La Carne dit :

    Quand nous étions sur l’ile, nos familles nous demandaient « vous rentrez pour le svacances? » Et je répondais : « non, on vient simplement ».
    je ne peux qu’imaginer l’état d’esprit et de corps de rentrer à Brexitland… Tes enfants ont tout dit. 😦

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