Suffrajitsu


Je reprends le titre d’un article que la BBC en ligne a fait à l’occasion de la sortie du film suffragettes. Au lieu d’une critique conventionnelle ou de rappeler en gros l’historique du mouvement des suffragettes, qui se sont battues pour que les anglaises obtiennent le droite de vote (ce sera le cas en 1918, j’en ai déjà parlé) la BBC revient sur un détail que j’adore. Pour résister aux violences policières qui étaient un chouïa disproportionnés, scandaleuses débridées quand même, les suffragettes ont eu  l’idée géniale d’apprendre le jiu-jitsu. En 1910, il fallait y penser!

  
Les policiers avaient la main et la matraque plutôt lourdes et les suffragettes en ont eu marre de se faire taper dessus au sens propre (au figuré, c’était visiblement réservé aux députés, hommes donc, qui refusaient depuis 1867 de terminer concrètement un seul débat sur le droit de vote des femmes). Lors d’une manifestation le 18 novembre 1910, 300 suffragettes affrontent des policiers, une centaine est blessée (et arrêtée, il n’y a pas de raison de se gêner à les soigner, une suffragette à terre est beaucoup plus facile à attraper que une qui courre), et deux sont mortes. Sans compter que des passants frustrés sexuels imbéciles se sont joints aux forces de l’ordre pour leur taper dessus aussi. Et policiers comme civils n’avaient pas que la main lourde, ils l’avaient aussi baladeuse. On nage en plein glauque, un instant, je vais m’aérer.

Bref, les suffragettes ont décidé d’arrêter de se laisser faire et de servir de défouloir  à tous les policiers  enragés et les passants obsédés,  et ont commencé à suivre les cours de jiu jistu qu’Edith Garrud (et son mari William. Comme quoi, il y avait aussi des hommes féministes en 1910) leur proposait à l’instigation de Sylvia Pankhurst, leur chef de file. La presse a d’ailleurs inventé le terme suffrajitsu à l’époque. Non seulement on n’avait pas franchement l’habitude de voir une femme se rebeller physiquement contre un homme, sourtout un policier, mais encore moins lui flanquer une pâtée! Les caricaturistes ont beaucoup aimé, et au lieu de se moquer de suffragettes, pour changer un peu, ils ont tourné en ridicule les policiers.

  
La fille de Sylvia, Emmeline a encouragé toutes les suffragettes à apprendre le jiu-jitsu, pour se défendre contre les violences policières, mais pas que. Comme sa mère était sous le coup d’un mandat d’arrêt, elle se déplaçait de réunion publique en réunion publique protégée par une trentaine de gardes du corps, toutes entraînées au jiu-jitsu et prêtes à en découdre. Elles empêchaient les forces de l’ordre d’approcher et donc d’arrêter Sylvia! Elles étaient prêtes à partir sur un simple appel, n’importe quand et n’importe où pour protéger Sylvia Pankhurst. Elles cachaient matraques et autres objets contondants dans leur robe, faisaient preuve d’une combativité certaine qui leur a valu le surnom d’amazones dans la presse et et n’hésitaient pas à user de tous les stratagèmes possibles. La BBC rapporte que pour la « bataille de Glasgow » (si,si, carrément une bataille) en 1914, la police essayait d’arrêter Sylvia en plein meeting . Ses gardes du corps avaient tout prévu, elles avaient caché des barbelés dans les fleurs  autour de la scène, les policiers se sont empétrés dessus en voulant charger. S’en ait suivi  un pugilat acharné entre 30 suffragettes et 50 policiers. Toujours en 1914, les amazones protégent cette fois  Emmeline Pankhurst, qui fait un discours depuis un balcon londonien. A nouveau, on a assiste à une bataille rangée entre féministes et policiers qui finissent par arrêter une Emmeline camouflée sous un voile et inconsciente à force de coups. Ben oui,  sauf que ce n’est pas elle mais une de ses gardes du corps dévouées qui a pris sa place pendant qu’elle s’échappait, Ahaha! 

  
Les suffrajitsu étaient prêtes  à tout, y compris la violence, pour obtenir le droit de vote. Mais elles ont arrêté  leur mouvement au début de la guerre pour se mettre au service du pays apparament. Et du coup, quand les hommes politiques se rendent  compte en 1918 que pour être élu, il faut un électorat et qu’il a bêtement été décimé dans les tranchées, elles obtiennent enfin le droit de voter. Je ne sais pas si c’est grâce au jiu-jitsu, mais ça a peut-être aidé un peu! 

Les photos viennent de BBC.co.uk

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27 commentaires pour Suffrajitsu

  1. carrie4myself dit :

    Ne jamais sous-estimer le pouvoir des femmes!!!

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  2. Mathieu dit :

    Une bien belle leçon d’histoire!

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  3. lanabc dit :

    J’aime beaucoup aussi ta manière de raconter l’histoire. Très très intéressant…

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  4. Très forte l’idée du jujitsu !!

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  5. petiteyaye dit :

    Génial ! Je n’avais jamais entendu parler de cette histoire, elles étaient déjà en avance sur leur temps !

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  6. La Carne dit :

    girl power! cette idée est énorme!

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  7. madameananas dit :

    Ah ah énorme!!! Comme d’hab j’adore tes trouvailles sur les « moeurs » et histoire anglaise!
    Baleze ces suffragettes!

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  8. lewerentz dit :

    Intéressant, merci pour cet article.

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  9. Clémence dit :

    J’ai trouvé ça génial, l’anecdote est super et ta manière de la raconter très drôle !
    Au fait Pommy, tu nous a pas encore parlé du match France – Irlande, ton rhume a anesthésié ta fureur du jeu ?

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  10. Mélina Bee dit :

    Ahah c’est une jolie anecdote! La première dois que j’ai entendu parlé des suffragettes c’est en regardant Mary Poppins toute petite (c’est fou ce que l’on peut apprendre dans ces films…) et ça m’a amené à faire des recherches plus tard 🙂 C’est vraiment passionnant!
    C’est drôle que tu postes cet article, demain j’ai Civilisation Française comme cours de l’option FLE et le cours s’intitule « les femmes dans la société française ». Je vais bien voir comment c’était chez nous 🙂

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