Playground talk


En attendant les enfants à la sortie des classes, les parents se regroupent en petits tas par affinité, on a deux clans bien distincts. Ça donne toujours lieu à de grandes conversations philosophiques. Il faut bien passer le temps en attendant que les gamins sortent pour repartir aussitôt en classe chercher leur cartable, ressortent, repartent dans l’autre sens  pour récupérer leur blouson bleu, reviennent  avec un chapeau rouge, courent pour l’échanger avec le bon propriétaire, reperdent leur cartable, fassent demi-tour parce qu’ils ont oublié leurs devoirs et consentent finalement à quitter la cour au bout d’une bonne demi-heure, après  vingtaine d’allers et retours, tout ça pour se mettre à beugler comme des veaux à peine le portail franchi parce qu’ils ont oublié de dire au revoir à un copain, perdu le super caillou rigolo qu’ils ont trouvé à la récréation et bien sûr égaré leur cartable, mais ça, ce n’est pas si grave, surtout qu’il y a les devoirs dedans…bref, heureusement que les parents peuvent taper un peu la causette pour patienter. 

  

Les groupes de parents sont bien définis, on sait d’avance de quoi chacun parle, pas besoin de s’approcher pour deviner les conversations. Je rappelle que l’Essex, terre de contraste, est peuplé très logiquement d’Essex girls et boys fiers de leurs racines et qui défendent mordicus leur réputation de pouffes et idiots congénitaux, mais au bronzage carotte cramée. A peine rentré dans la cour, on tombe donc sur le groupe le plus bruyant, les mamans Essex girls qui n’ont pas compris qu’elles ne sont plus élèves elles-mêmes et continuent leurs discussions visiblement commencées quand elles se sont rencontrés, à 5 ans dans cette même école (l’Essex girl est grégaire et ne bouge pas de quartier). C’est merveilleux cette capacité à rester jeune d’esprit… En même temps, elles sont effectivement très jeunes. Je ne veux pas tomber dans les clichés, mais il y a par exemple une maman dont l’aîné a 9 ans, elle est enceinte jusqu’à yeux de son cinquième. Vous allez me dire, ça arrive à d’autres…oui, mais elle aura 25 ans la semaine prochaine (Toute la cour est au courant, elle se répand sur les préparatifs de sa fête d’anniversaire depuis trois mois, ce sera une vodka party dans une discothèque…no comment). Dans ce groupe, on est à la pointe de la mode jeune, on parle donc essentiellement de pop, de qui sort avec qui (que ce soit entre eux, ou en commentant la vie trépidante des acteurs de soap ou présentateurs télé) et  » t’as vu y a Machine qui m’a dit que Chose est une grosse nulle mais c’est celui qui dit qu’y est ». Évidement, en anglais, c’est encore mieux:

-you is daft, innit! 

-I mean, you know what I mean.

Rhaaa, j’en grince des dents tellement cette logorrhée verbale m’agresse…faites au moins un effort pour parler votre langue correctement! Je passe sur les fautes de conjugaison (you is…) et le merveilleux « innit »…Bon, il faut se rendre à l’évidence, je suis posh, snob. Et je n’en ai pas honte, know what I mean? 

Ça tombe bien il y a aussi le groupe de SuperMum et ses groupies, qui ne s’approcheraient pas à moins de 20 mètres des Essex mums sans vêtements de protection. Ça doit être pour moi. Ou pas. Je ne sais pas discourir pendant une demi-heure de la nouvelle méthode révolutionnaire d’éducation transcendantale inspirée des moines tibétains du 9ème siècle préconisant un enseignement interdisciplinaire perpendiculaire en marchant en crabe et sans bouger les oreilles. Mes enfants ne font pas de cours du soir de mandarin, viole de gambe ou calligraphie médiévale. Je n’ai pas d’opinion sur le marché bio qui vient de s’ouvrir dans un authentique monastère franciscain sponsorisé par Jamie Oliver. Dans ce groupe, on finit toujours par rapporter des ragots dignes des « qui sort avec qui » des Essex mums, mais il s’agit cette fois de la politique du PTA (l’association des parents d’élèves, présidée de main de fer par SuperMum) ou des rapports hiérarchiques entre enseignants, qui de toute façon sont tous des incapables, on ne parle pour toi , ahaha, tu fais français, tu n’es pas instit, heureusement pour toi. Mais c’est vrai que la directrice a dû rappeler à l’ordre le responsable des cours de rattrapage qui s’en est pris à la maîtresse des petits parce qu’elle ne sait même pas faire une addition? Tu dois savoir ça toi…non? Ils ne t’en parlent pas parce que tu fais juste le français et que tu n’es même pas instit?…Bref, ce n’est pas un groupe pour moi non plus. Il faut se rendre à l’évidence, je suis cynique. Et je le vis très bien. 

On pourrait croire que du coup, je reste toute seule dans mon coin mais pas du tout! J’ai même droit aux deux groupes, puisque je rappelle que je suis l’office de tourisme de la France dans l’Essex à moi toute seule. Toutes ces braves mamans commencent à préparer leurs vacances d’été et ça passe par moi, youpi. Il y a aussi les mères de famille fières de leur progéniture, qui me poursuivent jusque dans la cour pour connaître les progrès de leur gamin en français  et est-ce que j’ai bien remarqué à quel point leurs gosses sont géniaux? 

 Il faut se rendre à l’évidence, je suis de mauvaise humeur en ce moment…j’espère que les mamans dans la cour ne m’en voudront pas, au fond, elles sont sympas! 

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89 commentaires pour Playground talk

  1. fedora dit :

    Pour la mauvaise humeur, on peut comprendre, je pense !! Et sinon, quand tu parles des essex girl, j’ai l’impression d’être devant The Valley !!! 🙂

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  2. Bernieshoot dit :

    J’ai le sentiment qu’on retrouve ce fonctionnement à toutes les sorties d’école

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  3. Mélina Bee dit :

    Les Essex Mums ont l’air tellement extraordinaires haha Surtout celle de presque :25 ans; je me dis que j’ai 5 enfants de retard par rapport à elle, c’est dingue!
    Ici aussi on a nos groupes de Mums et je suis sûre que certaines s’adapteraient très bien à la vie des Essex Mums 🙂

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    • pomdepin dit :

      Il y a pire, il y en a une qui doit avoir mon âge, mais qui en est à 16 gamins (et déjà 4 petits enfants…). Il y a deux sets de jumeaux dans le tas mais quand même. Après, on dit que je fais ma posh, mais bon…c’est beau l’Essex! (Il y a aussi plein de banquiers de la city parce qu’on est sur la ligne directe, c’est vraiment une terre de contraste mon comté!)

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  4. Flavour Beans dit :

    Ahha le You is est excellent quand même !

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    • pomdepin dit :

      Je déteste, ça me crispe à chaque fois, ça et le you was…le pire c’est quand mes enfants ont commencé à parler comme ça et que je les ai repris. Ils ne m’ont pas cru! Il a fallu que je fasse intervenir l’instit (qui m’a quand même dit qu’on n’y pouvait pas grand chose, c’est l’environnement essexien). Heureusement depuis, ils ont compris à quel point ça fait chav (je ne sais toujours pas traduire, entre plouf et beauf peut être.)

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  5. carrie4myself dit :

    Je suis bien heureuse de ne pas aller chercher les gamins a l’école. Je l’ai fait un petit peu pour mes neveux et c’est gavant!

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  6. celine49 dit :

    Ouh là là tout un programme !!!
    Ici aussi y a des mères qui papotent mais en bonne maman qui travaille et qui est débordée, je file les récupérer, j’en prends une au bout de chaque bras et zhou, on rentre à la maison 😉 (d’ailleurs c’est marrant, je fais ça aussi quand je ne travaille pas… !!)
    Mince, je sens que tout ça nuit à ma vie sociale 😛
    Bisous

    Ps : pas d’Essex girl par ici, mais ça fait peur dis-donc (ouh là, 5 enfants à 25 ans et le premier à 16, arf !!!!!!!!)

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  7. lexieswing dit :

    J’arrive pas à croire qu’elles disent you is! Mais ça donnerait quoi si c’était traduit : je es par exemple (tu est, mais ça s’entendrait pas à l’oral). C’est fou!

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  8. janeiro23 dit :

    ça et le parc, rien que d’y penser j’ai de l’urticaire…pour la mauvaise humeur, c’est légitime (mais des jours meilleurs arrivent 🙂 ces périodes où tout va travers c’est gonflant! courage)…bises

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  9. Courage ! Ca finira par passer : un jour Toddler5 sera au lycée !

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  10. J’ai beaucoup appris aussi en attendant mes enfants…
    Comme toujours j’aime ton regard un peu cynique mais tendre sur ton pays d’adoption et ses habitants. Je ressens des choses similaires aux US.
    Merci aussi pour tes visites sur mon blog alors que que je vous impose un billet par jour sur les expressions de chez nous et de chez eux.
    A plus!

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  11. petiteyaye dit :

    Adulée par une cour entière de récréation et cynique… une vraie diva !!

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  12. Leodamgan dit :

    C’est rare que tu sois de mauvaise humeur…

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  13. Les Essex girls, tu les reperes a 100m, mais elles nous font bien rire 🙂

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  14. sandra dit :

    Ahahah je te rassure on trouve aussi à Londres des mamans dont tu ne sais plus si elles viennent chercher leurs enfants, leurs petits enfants, leurs frères et soeurs…..l’avantage c’est que nous n’avons pas juste 2 groupes de parents c’est plus par communauté les bengalis, les kosovares, les les anglais cockney, les anglais middle classe…… en bonne française je fais plutôt causette avec ce groupe mais j’ai aussi des bons contactes avec des algériens(nes), des africains (nes). En fait j’évite celles et ceux qui comme Geordie Shore ont un accent et un vocabulaire absolument incompréhensible par mon niveau d’anglais!! hihihi

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    • pomdepin dit :

      C’est beaucoup plus simple ici…il y a bien un papa africain, mais est zaïrois et parle français! Ça a surpris beaucoup de monde au début quand ils l’ont entendu s’adresser à moi en français.

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  15. sandra dit :

    Ici aussi il y a beaucoup d’Algériens et algériennes ou d’Africain qui ne parlaient qu’Anglais mais je suis quelqu’un de très sociable (c’est ma seule qualité je crois) du coup je parle avec beaucoup de monde et eux se font et me font plaisir en parlant français du coup les anglais (dont les instits) découvrent que beaucoup de parents parlent français!! j’adore

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  16. Waf quand je suis arrivée ici j’ai dû m’habituer à « I done me homework », « I goes », « I makes  » « I do be tired » apparemment hérité des ancêtres gaéliques qui parlaient mal anglais… Au moins c’est pas triste, chaque coin a sa spécialité linguistique, ça évite qu’on s’ennuie!
    Sinon désolée d’apprendre pour ton déménagement 😦 j’espère que le vent tournera…

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    • pomdepin dit :

      J’ai du mal aussi avec le « me » à la place de « my » . Et en Irlande, je détestais quand de parfaits inconnus m’appelaient « love ». Ça se dit ici aussi, mais beaucoup moins.

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  17. LadySo dit :

    25 ans et 5ième gosse ? C’est effrayant quand même….
    En tout cas, c’est exactement ce dont je me souviens quand j’allais chercher les enfants. Pas tout à fait les mêmes groupes. A Londres par exemple, c’était les « vraies » anglaises d’un côté, et les étrangères (Musulmanes, dans le quartier où j’étais), de l’autre…ce n’est pas tout à fait pareil mais presque, non ?

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  18. La Carne dit :

    tout est dit! c’est pourquoi j’arrive toujours devant l’école pile au moment de la sonnerie (pour la maternelle). Je récupère ma gosse et je me casse (sauf quand la maitresse a un truc à me dire (et ça arrive souvent en ce moment)(et pas pour la bonne cause). Et je récupérai le grand (quand il allait à l’école « normale ») devant son école, depuis ma voiture, coincée dans les embouteillages. mais figure toi que ça n’a pas empêché madame mère parfaite de me taper la discute cette semaine!! J’ai souffert.

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